BIOGRAPHIE


 
 
 

C’est un disque d’entre-deux et de l’entre-deux dont la démarche redéfinit les contours d’un héritage culturel composite. Yara Lapidus est un volcan. Ou une sorte de funambule enjambant les univers avec une agilité saute-moutons. Créer des chocs sismiques, fusionner des terres à priori discordantes comme la musique traditionnelle arabe et la pop occidentale, oser le va-et-vient plein de civilité entre le jazz, le rock indé, la chanson, la bossa, les échappées méditerranéennes, les immersions charpentées à la parisienne. Polyglotte, hybride, curieuse. Ses désirs bigarrés l’ont déjà acheminée à s’emparer en libanais du How de John Lennon, un geste uniquement destiné au marché américain et qui a débouché sur un positionnement dans le top 5 du Billboard Chart/New Age pendant plus de deux mois d’affilée. Une évasion voluptueuse en compagnie du légendaire Iggy Pop, valeur sacrément ajoutée de la version deluxe de l’album Indéfiniment enregistré dans les mythiques studios d’Abbey Road.  Plus récemment encore sur la scène du Café de la danse à Paris, une revisite suave du Trop beau de Lomepal. Elle a l’esprit syncrétique et une indisponibilité à se réfugier au sein de sa zone de confort, à n’appartenir qu’à une seule chapelle, soignant d’éviter dans le même élan les clichés de la world-music artificielle et la perte de son identité propre. La meilleure manière de pouvoir faire sauter sereinement les cloisons.

Styliste et modéliste dans une première vie. Des velléités de chanson fantasmées depuis toujours mais inavouées. Le grand saut ne sera complètement effectif qu’à l’orée de la décennie 2010 : un bras gauche en jachère à la suite d’une intervention chirurgicale qui a mal tourné . D’abord, l’abattement, le repli. Puis l’introspection, la conscience de la fragilité des choses avant d’enclencher une dynamique batailleuse. Elle doit inexorablement renoncer à la guitare, pas au chant. Celle qui a commencé, voilà un an, le remaniement de sa mappemonde musicale avec l’album Back to colors - ouvert à tous les vents conformément à son titre - a pour obsession du moment une reconnexion de ses racines orientales. Bien sûr qu’elle est Orientée, Yara Lapidus. Le double sens du mot embrasse des caractéristiques de sa personnalité à la fois déterminée, fonceuse, qui ne cesse d’aller où le cœur la mène. Comme un aveu amoureux, elle confesse : « Il est en moi cet Orient. J’ai beau m’en séparer, j’y reviens ». Le rapport conflictuel, presque de rejet, de la musique arabe lors de sa jeunesse est révolu depuis longtemps. Devoir de mémoire. Remonter la source des émotions fondatrices et viscérales. Tout lui est revenu dans le cou.

 
 
 

Orientée symbolise des premières fois. Première fois que Yara Lapidus s’essaie au format court de l’EP. Première fois qu’elle teinte l’ensemble des morceaux d’un projet de sonorités orientales. Première fois surtout qu’une chanson de David Bowie est adaptée en langue arabe. The man who sold the world se mue ici en Elli, enveloppé par ce voile à la légèreté moelleuse qu’elle conserve dans la voix à la manière d’une pudeur affirmée. Ce morceau-là, la chanteuse franco-libanaise l’avait en point en mire. Une évidence - elle y entendait des intonations orientales dans la version d’origine - qui va s’accompagner de légitimité lorsque Ann Gail Dorsey (bassiste attitrée de l’artiste caméléon pendant près de vingt ans) accepte d’en assurer la réalisation.  A totale distance du sens du texte initial autour de la schizophrénie et de la double personnalité, Yara Lapidus y jette toutes ses émotions, ses sentiments, ses désirs, ses espoirs, rappelant par ailleurs que cet Orient est le berceau de la civilisation. Une percée aux arrangements minimalistes et dans laquelle Hakim Hamadouche (complice de trente ans de Rachid Taha) tisse les méandres de la mélodie avec l’éclat de sa mandoluth électrique.

Yara Lapidus n’a jamais été seule dans ses aventures. Chez elle, un goût avéré pour les échanges et un vrai flair pour les rencontres à profils distincts : son compatriote Bachar Mar-Khalifé, Chico Cesar, Craig Walker (ex-chanteur du groupe Archive), Jim Bauer (ancien candidat audacieux de The Voice), Fyfe Dangerfield (membre fondateur des rockeurs indés de Guillemots)… Sans oublier évidemment Gabriel Yared et Jean-Louis Piérot (Alain Bashung, Etienne Daho, Jane Birkin) réalisateur respectif des albums Indéfiniment et Back to colors. Elle continue sur sa lancée, pioche cinq morceaux issus de ces     deux disques, cultive les connivences, multiplie les collaborations. Celle avec le pianiste Stéphane Tsapis dont le tapis subtil et mouvant des percussions extraites des entrailles de son instrument finit par se confronter à une rythmique tribale et donne une rondeur intimiste à Yamama, flashback en clair-obscur au cœur de la capitale libanaise. Celle avec Adnan Joubran, l’aîné du trio Joubran et ambassadeur passe-muraille du oud, accentuant encore davantage l’intensité de la passion dévorante de Depuis toi. Le oud toujours, sous la houlette de Hussam Aliwat, pour d’exquises ornementations traversant les tumultes intérieurs et les battements de l’organe qui donne (Vingt-quatre heures, Evelarstingly). Quant à Oumi Ya Beyrouth, chanson définitivement d’offrande puisque les revenus sont reversés à la Croix-Rouge libanaise, elle bascule en banger taillé pour le dance-floor, envahie de montées organiques et d’une house ambient. L’amour et l’Orient. Pour Yara Lapidus, les deux vont de pair.

 


Discographie :

Indéfiniment (2018 )

Indéfiniment Deluxe version (2019) janvier 2022 / KURONEKO

Back to colors  février 2022 chez YARA MUSIC / distribution KURONEKO/ BELIEVE

Orientée, sortira le 26 avril 2024 chez YARA MUSIC / distribution KURONEKO / BELIEVE